
De Michel AYMERICH ( photographe et auteur animalier )
Un nombre non négligeable d’espèces animales au Maroc ont disparu ces dernières décennies (addax, oryx algazelle, gazelle dama, guépard, autruche à cou rouge, etc.). D’autres ont vu leurs effectifs baisser dramatiquement et sont à terme menacées de disparition : panthère, serval, caracal, hyène rayée... Parmi elles, plusieurs espèces de serpents, au premier rang desquelles le cobra d'Afrique du Nord qui, à l’instar de nombreuses autres espèces animales, sont menacées par l’extension des activités humaines caractérisées par la destruction croissante de nombreux écosystèmes.
Là où leurs habitats demeurent encore relativement intacts, les serpents sont victimes de destruction directe par les bergers et par les habitants, et ce sans distinction aucune. La plupart du temps, il n’est pas tenu compte du fait que sur les 25 espèces que compte le pays, seules 8 sont potentiellement dangereuses et aucune d’entre elles n’attaque les hommes. C’est même tout le contraire.
Théodore Monod, dans son mémorable « Méharées », écrivait avec une ironie percutante, à propos des serpents qu'il pouvait parfois rencontrer dans les régions sahariennes : « Couleuvres, inoffensives et blondes, vipères [...]. Mais de grâce, n'oubliez pas d'ajouter "à cornes", c'est tellement plus terrifiant pour votre public, car il s'imagine que ce diabolique appendice, arme supplémentaire, ajoute encore à la nocivité du reptile. [...] Les vipères sahariennes, qui sont des cérastes, ont [...] plus peur de nous que nous d'elles, ce qui n'est pas peu dire. »
Il n’est pas tenu compte, non plus, du fait que plusieurs espèces sont rarissimes ou que leur répartition au Maroc est très limitée. Les serpents sont, en effet, tant les victimes de la peur de la nature que des forts préjugés sévissant à leur égard et de la prétention arbitraire et « pré-écologique » de décider quelles espèces peuvent vivre et quelques espèces doivent mourir…