Meloriluc a écrit:
Mourakami, c'est vrai que tu as le bon feeling pour pour présenter les choses. Le seul truc sur lequel je vois les choses un peu différemment, c'est le temps perdu dans les transports: je trouve que l'on travaille déjà suffisamment comme ça pour ne pas en rajouter. Le mieux serait de limiter ce trajet à quelques minutes. Cela permettrait d'économiser pas mal d'Energie (temps, véhicules, carburants, routes, etc). Il y aurait moins d'accidents. Mais là c'est toute la structure de nos villes qu'il faudrait changer.
Meloriluc,
Je vais peut-être te surprendre mais je vois les choses exactement comme toi, mais entre la vision et la réalité malheureusement il y a un fossé qui me parait aujourd'hui infranchissable.
Je travaille sur un territoire limité environ 2300ha, cela fait 20 ans que l'on s'obstine a essayer de construire cette ville que tu appelles de tes vœux. Mais force est de constater que même les exemples les plus aboutis achoppent. Pour en avoir fait le diagnostic, les causes sont multiples :
- ségrégation par les moyens, un territoire attractif (école, santé, emplois, commerces, qualité de vie, environnement, etc) engendre une ghettoïsation(sur les territoires en manquent de logements), les classes moyennes et les plus pauvres doivent s'éloigner pour se loger .
- le syndrome du pavillon qui entraîne de fait un éloignement : fut un temps ou l'on a appelé ça le rêve français
- on privilégie souvent le choix du collège ou du lycée des enfants plutôt que l'éloignement de son travail
- La mobilité professionnelle augmente aussi considérablement et on a donc plutôt tendance à chercher un travail en fonction de son logement plutôt que de déménager proche de son activité, les carrières professionnelles longues dans une seule entreprise deviennent de plus en plus rare
- Dans les couples, de plus en plus les deux conjoints travaillent ce qui entraîne logiquement un trajet moyen plus important
- etc.
Au final, à moins de contraindre les gens à se rapprocher de leur travail mais on parlerait plutôt de leur centre d'intérêts (la part des déplacements travail / loisir a tendance à diminuer), l'évolution de notre société (sociétale et pas entreprise) tends plutôt à l'étalement. On peut les contraindre de plusieurs manières :
- Interdire de posséder une voiture (chine)
- Limiter l'usage de la voiture (taxe / péage urbain / Nbre de voitures par foyer)
- Contraindre son utilisation (diminuer la capacité des voiries pour limiter le nombre de voiture)
- Etc.
On pourrait se dire que des mesures incitatives seraient de nature à faire bouger les choses, mais dans la majorité des exemples, de bons services de transport en commun on exactement le même effet que la voiture (Los Angeles dans l'entre deux guerres).
La seule issue qui aujourd'hui fonctionne est de drastiquement contraindre l'utilisation de la voiture tout en rendant le transport gratuit.
Cette gratuité étant lourde à porter pour les collectivités, elle incite les politiques a mettre en place uniquement des lignes (dite rentable ou dit autrement, avec un nombre d'utilisateurs importants). Ce qui a pour effet de limiter l'effet d'étalement urbain diffus et de promouvoir des pôles secondaires.
Finalement ce que je suis en train de dire n'est ni plus ni moins que les intentions de la mairie de paris suffisamment décriées aujourd'hui. Et cette critique est a mon humble avis tout à fait justifiée car les plus aisés ne se sentirons pas concernées et seules les plus modestes subiront les conséquences de cette politique.
Le cœur du sujet est finalement ailleurs, il faut accepter :
- que nos territoires soient administrativement plus homogènes. En France, on peut diviser par 10 ou 20 le nombre de communes, cela permettrait de mettre sur le même pied d'égalité, un banlieusard et un habitant du centre.
- produire suffisamment de logements collectifs, bien desservi et dans un cadre valorisant pour répondre à la demande en logements
- rendre plus attrayant le logement dense vs diffus (taxe, desserte etc.)
Ces trois principes feraient que l'offre de logements denses serait suffisantes, leurs dessertes vers les pôles de vie efficientes et les personnes préféreraient ces types d'habitat. Mais franchement c'est aujourd'hui une vue de l'esprit, la voiture autonome sera là bien avant que les prémices d'une telle politique de la ville puissent être mises en place.
Lorsque je commence a réfléchir sur un nouveau quartier, je sais qu'il se passera 10 ans avant que le premier coup de pelleteuse arrive, et encore 10 ans pour que la totalité des bâtiments soient construits. Il est extrêmement important de pouvoir imaginer un futur. Tout en étant aussi assez humble car même en étant assez clairvoyant on sera toujours loin de la réalité.
En guise de conclusion oui Meloriluc, je suis convaincu qu'une société qui serait capable de luter contre les déplacements inutiles serait beaucoup plus vivable et productive (l'économie générée par la diminution des besoins de déplacement permettrait de donner du pouvoir d'achats aux personnes et des moyens supplémentaires aux collectivités locales pour l'éducation ou tout autre service public).
Mais je pense que la liberté individuelle (fondement de notre nation moderne) nous entraîne dans un sens opposé, et que nos technologies et l'imagination de l'humain (des hommes et des femmes) sera capable d'apporter des solutions à un modèle peu vertueux. Sinon il nous restera plus qu'à prendre des parts dans space x et d'inventer une nouvelle société humaine sur mars pour éviter la catastrophe.
